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Angelin Preljocaj nous propulse dans les vrombissements orageux de sa célèbre pièce HELIKOPTER avant de révéler sa dernière création, solaire et lumineuse.
Prêts à traverser la tempête ?
Sur la musique vertigineuse du Helikopter-Quartet de Stockhausen, six danseurs tourbillonnent dans un espace entre ciel et terre. Ils semblent lutter contre les forces qui les assaillent. La lumière les écrase, le son les aspire mais ils résistent, inspirés par une énergie radicale et organique. Puis, un silence salvateur, presque irréel, ouvre la voie à la toute dernière création d’Angelin Preljocaj, éclatante et vibrante. Un nouvel élan surgit tel un souffle de liberté porté par l’énergie des partitions de Laurent Garnier. « Nous vivons dans un monde plutôt sombre mais j’y vois des lueurs », nous dit Preljocaj. Dans ce mouvement de bascule, d’une intensité brute à une clarté solaire, ce spectacle offre une métaphore saisissante de notre époque, une invitation à danser avec le monde qui vient.
Quel thème va aborder cette création 2025 que vous présentez couplée avec Helikopter, une pièce de 2001 ?
Angelin Preljocaj : La création est en relation indirecte avec Helikopter car j’essaie toujours de concevoir une dramaturgie et une cohérence aux soirées composées de plusieurs pièces. Helikopter est une pièce ancienne, sur une musique de Stockhausen, un compositeur qui impose une force, à laquelle l’oeuvre qui la suit doit pouvoir résister. C’est pourquoi je travaille sur une création très solaire, lumineuse, comme si l’on sortaitd’une chape de nuages orageux. Une sorte de métaphore de notre époque, qui nous parle de relations humaines.
Est-ce donc une utopie futuriste ?
A.P. : Nous vivons une période plutôt sombre, mais j’y vois des lueurs. À travers l’inquiétude, ou l’obscurcissement apparent, je crois qu’il existe des prises de conscience irréversibles. La société avance, même si le conservatisme nous revient en boomerang, ça ne présume pas de l’issue de cette bataille. Nous sommes à un point de bascule de notre civilisation, c’est pourquoi ça tangue. Voilà ce que j’aimerais faire passer dans cette création.
Comment traduisez-vous ce thème dans la chorégraphie ?
A.P. : J’essaie toujours de trouver une écriture qui correspond à la thématique que j’aborde. Mais c’est le processus de création qui va me dicter au fur et à mesure son élaboration à partir des idées que nous venons d’évoquer.
Quelle en sera la musique ?
A.P. : Considérant que Stockhausen est le grand-père de l’électro, j’ai cherché parmi ses petits-fils putatifs, et j’ai pensé immédiatement à Laurent Garnier, avec lequel j’ai déjà travaillé et qui est pour moi un héritier direct. On sent une vibration et une énergie qui s’apparente, justement, à l’avenir, une sorte de liberté immense, de désir de respect, d’inclusion, de tolérance, qui sont le fait d’une nouvelle génération.
À PROPOS DE « HELIKOPTER »
À PROPOS DE « HELIKOPTER »
« Lors de la première audition d’Helikopter-quartet’, de Karlheinz Stockhausen, l’idée de créer une pièce chorégraphique sur cette musique ne m’a pas du tout effleuré l’esprit tant cette œuvre semblait laminer, à chaque coup d’hélice, les fondements même d’un rapport entre musique et danse. C’est cependant pour cette raison même qu’à la seconde écoute, le désir jubilatoire de se confronter aux entrelacs des turbines d’hélicoptères et des glissendi du Quatuor Arditti s’est imposé d’une façon irrépressible. Exposer six danseurs aux rythmes effrénés et technorganiques de cette pièce, tel sera l’enjeu de cette création. »
Angelin Preljocaj
« Début 1991, le professeur Hans Landesmann, du Festival de Salzbourg, me passa commande d’une œuvre pour quatuor à cordes, qui devrait être créée par le Quatuor Arditti en 1994. C’est alors que je fis un rêve : je vis et entendis les musiciens du quatuor jouant en plein vol dans quatre hélicoptères. Je vis simultanément des gens au sol, assis dans une salle équipée de matériel audiovisuel, et d’autres à l’extérieur, debout sur une grande place. Devant eux, on avait érigé quatre tours constituées de téléviseurs et de haut-parleurs : à gauche, à mi-gauche, à droite, à mi-droite. Dans chacune des quatre directions, on pouvait entendre et voir en gros plan l’un des quatre musiciens. Les musiciens exécutaient la plupart du temps des tremolos qui s’harmonisaient si bien avec les timbres et les rythmes des pales de retors que les hélicoptères en devenaient comme des instruments de musique… »
Karlheinz Stockhausen
Avec l’aide de l’armée autrichienne pour l’obtention des hélicoptères, de la radio et la télévision pour le raccordement aux canaux de transmission audio-vidéo et grâce au soutien de nombreux sponsors et de l’administration pour l’ensemble des autorisations, le rêve devint réalité le 26 juin 1995 à Amsterdam : trois vols eurent lieu en création mondiale pour 3 représentations. Dès la première de l’œuvre, son retentissement fut considérable et international, la presse s’étant emparée avec enthousiasme de ce happening géant entre ciel et terre, de cet opéra vertical dans lequel les cordes vibrent en un constant trémolo, épousant les ru-gissements des pales d’hélicoptères qui deviennent ainsi des instruments à part entière. À l’écoute de ce rêve de Stockhausen, accessible sur CD, chacun sentira la terre et le ciel trembler pour entrer dans une quatrième dimension…
Ce disque a obtenu le Grand prix du disque 2000 de l’Académie Charles Gros (53 Palmarès), le 28 novembre 2000.