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Mêlant le chef d'oeuvre musical de Tchaïkovski à des arrangements contemporains, Angelin Preljocaj s'empare du mythe de la princesse-cygne et transpose l'histoire au coeur des problématiques de notre temps
Après Blanche Neige et Roméo et Juliette, Angelin Preljocaj renoue avec le ballet narratif et son goût pour les histoires. Mêlant le chef-d’oeuvre musical de Tchaïkovski à des arrangements plus contemporains, il s’attaque à ce monument du répertoire classique. Un travail amorcé en 2018 avec Ghost, où il rendait déjà hommage à Marius Petipa en se projetant dans l’imaginaire du chorégraphe au moment où lui vint l’idée de son Lac des cygnes. Fidèle à l’oeuvre originale, il transpose l’histoire de la princesse-cygne au coeur des problématiques de notre temps.
En tant que chorégraphe contemporain, que représente Le Lac des cygnes pour vous ?
Pour moi c’est un Everest, un monument de la danse. S’y attaquer est un vrai défi en soi (…)
Que gardez-vous du ballet original de Marius Petipa, Lev Ivanov sur la musique de Piotr Illitch Tchaïkovski ?
Je garde la trame amoureuse, le conte ensorcelant, lié à la transformation d’une femme en cygne. Par contre, je modifie tout à fait la place des parents. Dans, la plupart des versions du Lac des cygnes, ils sont plutôt des personnages secondaires, ils ne dansent pas ou peu. Cette fois, ils sont très importants, dansent beaucoup, car ils ont une incidence sur les relations des protagonistes. Le père de Siegfried est un homme assez tyrannique, porté sur les abus de pouvoir. Sa mère est plutôt protectrice, un peu en écho à l’univers de Proust. D’ailleurs, il est assez amusant de constater que À la Recherche du temps perdu met en scène Swan et sa maîtresse Odette ! J’ai l’impression qu’il était assez proche du Lac des cygnes… Rothbart est toujours là, c’est un sorcier à ses heures, un personnage très ambigu. Il n’est pas seulement magicien, il a d’autres fonctions sociales. Il peut représenter des hommes d’affaires ou des industriels exploiteurs, qui peuvent être néfastes à nos sociétés. Le père de Siegfried est un peu dans le même profil sans être magicien. Il se trame une sorte de plan, de complot entre eux.
Y verriez-vous une forme de marchandisation des corps ? Car d’une certaine façon, dans le livret original déjà, Rothbart utilise sa fille à des fins délétères…
C’est exactement ça ! En réalité le père et Rothbart se mettent d’accord pour marier le fils à la fille, pour faire fructifier le patrimoine.
« C’est peut-être le meilleur hommage à rendre à Marius Petipa que d’entrer dans son processus créatif, de réinventer les choses. » Gardez-vous la partition de Tchaïkovski ?
Je garde 90% de Tchaïkovski dont 90% sont issus du Lac des cygnes, et 10% d’autres oeuvres du même compositeur. Je n’ai pas conservé toute la musique du Lac des cygnes, qui dure trois heures, et comme j’avais envie de raconter des choses qui ne sont pas dans le livret original, j’ai recherché d’autres éléments dans l’oeuvre et j’ai redécouvert Tchaïkovski. J’ai ainsi exploré les symphonies, les oeuvres pour orchestre. La base, le socle musical, demeurent Le Lac, complété par des extraits du concerto pour violon, d’ouvertures, de symphonies…
Pourra-t-on retrouver des éléments issus de la chorégraphie de Petipa / Ivanov ?
J’ai trouvé intéressant de m’appuyer sur certains traits chorégraphiques, comme pour un palimpseste. Comme si j’arrivais sur un Oppidum et que, sur ces traces de constructions anciennes je bâtissais une nouvelle ville. Pour certaines parties, justement dans l’acte blanc, je me suis beaucoup amusé. Ce sont des moments démonstratifs tout à fait jubilatoires, que j’ai conservés comme des petits numéros et que j’ai essayé de me réapproprier. En vérité, la chorégraphie n’est pas du tout d’après Marius Petipa, car je l’ai entièrement réécrite. Ce n’est donc pas un remaniement, structurellement et fondamentalement c’est une chorégraphie originale. C’est peut-être le meilleur hommage à rendre à Marius Petipa que d’entrer dans son processus créatif, de réinventer les choses.
Odette / Odile, c’est-à-dire le cygne blanc et le cygne noir, seront-ils réunis en un seul rôle comme dans la version classique actuelle ?
Oui. C’est un rôle difficile qui requiert des qualités opposées, en termes de virtuosité, d’interprétation, et il faut vraiment un travail intense pour trouver l’équilibre dans les deux personnages, sans rien céder sur l’exigence nécessaire.
LA PRESSE EN PARLE
« Comme à son habitude, le chorégraphe excelle aussi bien lorsqu’il met en scène des danses chorales, dont la précision d’orfèvre et la rapidité d’exécution coupe le souffle, que dans de tendres pas de deux. »
La Terrasse
« Un lac léger comme une plume. Magique et poétique. »
La Provence
« Preljocaj jongle avec une parfaite maîtrise entre la puissance du groupe et la finesse des pas de deux et excelle en orfèvre de la grâce, avec de magnifiques portés et des ports de bras de toute beauté. »
La Croix
« La manière dont Preljocaj mène le dialogue avec Petipa et Ivanov, sur la musique originale de Tchaïkovski, est proprement fascinante. »
Le Figaro